ONLY LOVERS LEFT ALIVE - Jim Jarmush

Ténèbres. Lumière.

Le film est rythmé par ces contrastes lumineux, entre les lenteurs, l’indolence du jour, et la témérité sensuelle de la nuit. Ainsi se déroule la vie de deux vampires, Eve et Adam. (Se donnent-ils des surnoms, ou est-ce l’amour de la symbolique de Jarmush qui a dicté ce choix ? On peut penser à Nobody, l’indien de Dead Man …).

Ces deux êtres, bien que fusionnels, vivent séparés : Eve vit à Tanger, Adam à Détroit. Eve toujours habillée de blanc, est une tache pâle trouant les nuits orientales ; Adam à l’humeur maussade, se fond dans l’obscurité de sa ville-fantôme…

La musique également donne l’esprit du film : les compositions originales proviennent d’artistes avec lesquels Jarmush a déjà travaillé : le luthiste hollandais Jozef Van Wissem et le groupe Sqürl. Dans l’histoire, c’est Adam qui compose, musicien habité par ses créations sombres et lyriques. Eve, elle, se perd dans les livres de tous temps, et dans la sensualité des objets qu’elle touche.

Une caractéristique des vampires, c’est leur longévité. Ils assistent donc à l’évolution de l’espèce humaine : Eve parle du Moyen Âge comme d’une époque barbare, Adam regrette le temps du romantisme, de Byron à qui il doit selon Eve ses penchants suicidaires… Mais tous deux s’accordent sur le fait que l’humanité s’enfonce de plus en plus dans la décadence.

C’est le coup de génie de Jim Jarmush : une critique distanciée de la société. Marlowe, vieux vampire ami des protagonistes (et, dit-il, véritable auteur des œuvres qu’a signé Shakespeare), se meurt : le sang humain qu’il prend dans les hôpitaux est plein de produits toxiques. Les vampires vivent cachés, et pourtant les conséquences de nos actes les poursuivent.

Mais pas de morale à ce film, la dernière scène le prouve : assoiffés, les deux héros se jettent sur deux jeunes amants innocents…

Article proposé par Rachel Raudin